La Grande Traversée des Alpes Part.1

Jour 1

Vendredi 6 septembre 2019, voilà le début d'une grande aventure qui commence! 4:30 du matin, la boule au ventre, départ en train avec mon frère de Gland jusqu'à St-Gingolph.

C'est avec un peu plus de 8kg sur le dos qu'on commence à marcher. Les premiers pas sont sûrement les plus durs autant physiquement que mentalement quand on pense à tout ce qui nous attend. Un rythme à prendre, un souffle à apprivoiser , les premières douleurs qui apparaissent et oui déjà le premier jour...car la première montée est loin d'être simple, on encaisse direct 1500m de dénivelé, ça fait mal!

Pas de chance pour nous, le brouillard est bien épais, on voit pas à deux mètres, on loupe la vue plongeante sur le Lac Léman et sur les Cornettes de Bise qui nous surplombent. Mais côté bêtes, ça commence plutôt bien, on voit des bouquetins de tous les côtés!

Premier col, ça caille, ça souffle, on fait pas long, juste le temps de fumer une petite clope pour le frangin et c'est parti pour la descente, la première satanée descente...

Arrivés au refuge de Bise, je souffre du bas du dos, je m'y attendais,  j'ai mal un peu partout à vrai dire, ça commence fort, j'ai aussi mal aux épaules, aux genoux, aux pieds, bref c'est là que je me rends compte dans quoi je me lance et que c'est que le premier jour.


Total parcouru:

1530m+ / 416m- / 5h30 / 12km


Jour 2

Bien dormi, pas de ronfleur, pas de courbature, ouf! Direction le refuge de Trébentaz par le pas de la Bosse et le village de Chappelle D'Abondance. La montée pour la cabane est rude, on en chie pas mal! Le temps est toujours un peu gris mais dégagé, on croise quelques marmottes, un chamois qui broute, un troupeau de yaks et voilà la cabane, je suis épuisée, j'ai toujours mal aux épaules et j'ai un début de cloque au talon gauche...

Au souper, soupe à la courge, saucisses aux choux et tarte à la myrtille, autant dire qu'on ne va pas perdre un gramme avec tout ce qu'on mange en cabane.

A table on fait connaissance avec un Parisien qui fait les crêtes de la région, un Yverdonnois, deux Anglais et une Australienne qui sont eux aussi sur le GR5!


Total parcouru:

1171m+ / 807m- / 5h / 12,8km

Jour 3

Nuit pas facile, le dortoir était complet et que des ronfleurs, il a neigé et il neige toujours, j'ai un peu d'appréhension pour le chemin... Mais il faut y aller, on part avec Etienne l'Yverdonnois et Fran l'Australienne qui vont eux aussi à la cabane de Chésery. Il neige à gros flocons, tout devient de plus en plus blanc alors on se dépêche!

On picnic en vitesse au col de Bassachaux, il fait pas plus de 3°. Dernière ligne droite avant Chésery, petit arrêt dans un alpage pour acheter un bout de fromage, le temps se dégage, quelques chamois en contre-bas et 6 vautours moine au dessus de nos têtes, que demander de plus?

On passe le col de Chésery, le mauvais temps refait surface, les vautours sont de plus en plus proches, la cabane et ses quelques moutons aussi! Nous revoilà en Suisse, la seule étape du GR5!

On se retrouve toute la même équipe que le soir d'avant, avec deux Brésiliens en plus cette fois!


Total parcouru:

609m+ / 495m- / 4h30 / 13,5km


Jour 4

Dure nuit pour le berger, au réveil on apprend qu'il y a eu une attaque de loups, le troupeau s'est dispersé et une brebis a été retrouvée déchiquetée au bord du Lac Vert! J'en reviens pas! C'est fou, ici, cette nuit, il y'avait le loup!

L'aventure s'arrête ici pour mon frère et Etienne qui redescendent sur Morgins. Je continue alors ma route avec l'Australienne Fran, direction Samoëns.

Le paysage est blanc, il fait froid, un petit pincement au coeur de voir partir mon frère. Mais aller on s'arrête pas, on continue. Aujourd'hui est sûrement la journée la plus longue, deux cols à franchir et sept heures et demi de marche au programme.

Les vautours sont toujours là, des chamois, une biche et deux cerfs se font voir jusqu'au col de Coux, qui nous fait repasser du côté français. Plus que le col de la Golèse et la descente sur Samoëns que je vis très mal. Ca descend raide, j'ai affreusement mal aux pieds, chaque pas est une torture, je pleure de douleur, et la cerise sur le gâteau, on fini sur du goudron et mon hôtel est en fait à 45min de Samoëns... j'ai envie de mourir tellement que j'en peux plus, je ne sens plus mes jambes, ni mes pieds.

Arrivée à mon hôtel, ENFIN!  Je prends la plus longue douche de ma vie, j'en profite pour faire ma lessive, parce qu'après 4 jours de marche le phoque se fait sentir. Je m'écroule dans mon grand lit, je n'arrive plus à me lever tellement que mon corps est fatigué, j'ai jamais eu autant mal aux jambes. Heureusement, j'avais prévu le coup et m'étais arrêtée dans un supermarché acheter une bière et à manger et demain j'ai prévu un jour de repos, ouf!


Total parcouru:

1060m+ / 1930m- / 8h15/ 22km


Jour 5

Moins pire que ce que je pensais au réveil, j'arrive encore à marcher, hallelujah! Je me goinfre au petit déjeuner, puis je redescends sur Samoëns pour visiter le magnifique jardin botanique alpin "La Jaysinia". Pas question de passer à côté d'un peu de botanique!

Aujourd'hui je me fais plaisir, je suis seule, je rejoins Fran à Salvagny qui est à seulement deux heures de marche. Je prend mon temps, j'ai un genou qui me fait mal dans les descentes et je me sens bien fatiguée... Je passe par les Gorges de Tines, c'est magnifique mais je ne fais pas la maline, il y a quelques échelles bien raides!


Total parcouru:

112m+ / 121m- / 2h / 6km


Jour 6

Direction le col d'Anterne, qui est aux yeux du gardien du gîte de Salvagny le plus bel endroit des Alpes.

Il ne nous a pas menti, la première montée jusqu'au collet d'Anterne est sévère mais ça vaut le coup, ce paysage est à couper le souffle, des cascades tout le long de la montée et tout d'un coup on débouche sur ce plateau et cette chaîne de montagne incroyable, on devine même la tête du Mont Blanc juste derrière, on se croirait dans un autre pays!

Par contre mon genou m'emmerde vraiment je ne peux plus marcher... je prend un anti-inflammatoire pour pourvoir continuer! Je commence sérieusement à me poser des questions pour la suite du parcours et me sens comme une petite m****.

Dernière montée jusqu'au col, Fran fonce devant moi, elle n'a qu'une chose en tête: voir le Mont Blanc!

Moi je traîne un peu, car il y a des marmottes absolument partout, je lève la tête et vois des silhouettes de bouquetins sur la crête qui se dirigent vers le col et j'en pleure... oui je suis fatiguée et cette nature qui m'entoure est tellement belle, trop d'émotions en moi! Je me dépêche d'arriver au col pour pouvoir avertir Fran et pour les voir de plus près. Difficile de faire mieux, j'arrive en même temps qu'eux, ils me regardent,  je m'assois sur un caillou, tout paraît irréel à ce moment, car devant moi se dresse le majestueux Mont Blanc, je n'en crois pas mes yeux, il est juste là et je suis venue à pied jusqu'ici et puis il y a tous ces bouquetins autour de moi, il y a quatre femelles et deux bébés! C'est un des plus beaux moment que je retiens, je suis au milieu de cette nature si grandiose, toujours de plus en plus surprenante,  je me sens si bien, je ne veux jamais partir d'ici, je ne veux plus jamais travailler, je ne veux plus jamais descendre de cette montagne, j'ai la paix, la vie est belle et j'envie ces bouquetins qui sont là tous les jours de leurs vie et qui ne doivent rien à personne! On en oublie le temps avec Fran à observer cette petite famille et ce paysage.

Le refuge où l'on se rend me remet vite en place, on est sur le tour du Mont Blanc donc je vous laisse imaginer! Pour moi c'est l'enfer, la cabane est pleine à craquer d'une centaines de touristes, l'être humain que je déteste à l'état pur. On est accueilli (c'est un grand mot) comme des individus de passage parmi les milliers tout au long de l'année, j'ai qu'une envie c'est de me tirer de cette cabane atroce.


Total parcouru:

1506m+ / 355m- / 6h30 / 13km


Jour 7

Hier soir j'ai pris la décision de m'arrêter là, la douleur à mon genou est trop forte et je ne veux pas risquer de le foutre en l'air à jamais. Ce matin je n'arrive même pas à descendre les escaliers, comment je vais faire aujourd'hui? Une longue descente m'attends jusqu'à Chamonix...je bouffe un anti-inflammatoire et je croise les doigts!

En route tirons-nous de cet endroit.

Grand ciel bleu ce matin, des moutons et des myrtilles partout, on descend pour remonter direction le col du Brévent, ça grimpe sec! Des Z à n'en plus finir et vaut mieux ne pas trop regarder en bas!

L'arrivée au col est renversante, le voilà encore plus grand, encore plus beau, le Mont Blanc. C'est ici que s'offre à moi deux solutions, continuer jusqu'au téléphérique du Brévent qui est un chemin étroit, à flan de coteau avec des chaînes et des échelles... mmh bof! Ou alors descendre au télécabine un peu plus bas par un chemin tout à fait praticable! Le choix à vite été fait! Pour Fran se sera l'autre option, on se donne alors rendez-vous à Chamonix!

Ce petit bout de descente me paraît interminable, à chaque pas j'ai envie de m'arracher la jambe pour pouvoir courir en bas cette pente que ça en finisse! Enfin le télécabine, dieu merci! Enfin bon... 14€ les trois minutes de télécabine, ça fait mal au cul...mais pas au genou.

Je retrouve Fran et nous descendons jusqu'aux Houches en bus où nous attend un super gîte! Trois australiens et une américaine avec nous ce soir. On peut dire que j'aurai au moins fais mon anglais durant ces 7 jours de marche!

Demain matin mon frère vient me chercher en voiture! Me voilà soulagée de savoir que je vais rentrer reposer mon genou mais en même temps horriblement déçue et triste!


Total parcouru:

928m+ / 788m- / 3h30 / 10km


Break

Ce matin je dis au revoir à Fran qui continue sa route sur le GR5, peut être qu'un jour j'irai la retrouver en Australie!

Voilà mon frère, une heure et demi de voiture et me voilà à la maison alors que je suis partie il y'a une semaine c'est difficile à croire!

Je m'arrête une semaine pour mieux repartir, je repose mon genou un max, j'ai peur d'avoir à nouveau mal quand je me remettrai à marcher... qui vivra, verra!

...

Repos est un grand mot je ne peux pas m'empêcher de bouger et surtout d'aller aux champignons dans le Jura.


Jour 8 (sur le GR5)

Après une semaine de pause c'est reparti, direction Genève où Philippe,  en formation de guide en moyenne montagne, me récupère en voiture avec Joëlle alias Jojo pour descendre à Briançon (3h30 de voiture)!

Ici on entre dans le Queyras! Un tout autre paysage époustouflant avec les forêts de mélèzes et le rouge des myrtilliers, on plonge dans une ambiance chaude et automnale!

On peut voir quelques marmottes jusqu'au col des Ayes, de là on redescend dans une forêt de pins où un faisan nous passe devant, j'en avais jamais vu, trop beau!

Arrivé au village de la Chalp, l'auberge est super accueillante, une terrasse, un jardin, une bière, un chat, tout ce qu'il faut. Ici on rencontre un Allemand qui fait la route des Alpes à vélo, un Bordelais de 70 ans qui marche déjà depuis 8 semaines sur le GR5, un Français qui fait le tour du Queyras et deux Slovènes. C'est fou la diversité de gens qu'on rencontre chaque jour!


Total parcouru:

1291m+ / 792m- / 7h / 20km


Jour 9

Ce matin on triche, on fait du stop jusqu'à Château-Queyras pour nous éviter une journée de neuf heures de marche. On traverse une forêt de mélèzes, des pâturages, les myrtilliers flamboyants nous offrent toujours ce paysage magique! On passe le col Fromage, il y a des cassenoix partout, mais aucune autre bête en vue... on redescend sur Ceillac, un petit village perdu au milieu des vallées, encore une heure pour rejoindre le refuge de la Cime. Jusqu'ici tout va bien mais je reste vigilante avec mon genou.

On arrive dans un joli refuge cosy, où on retrouve Claude, le septuagénaire qui marche depuis plus de deux mois et quelques Marseillais venus en voiture, qui nous prennent pour des fous!


Total parcouru:

1020m+ / 1066m- / 6h30 / 14km


Jour 10


Départ sur les pistes de ski dans le brouillard et sous la pluie, on passe par les magnifiques Lac Miroir et Lac Ste-Anne.

Il fait pas très chaud et toujours pas de bêtes à l'horizon.

La montée au col Girardin est tout ce que je déteste, un chemin étroit, à flan de coteau, dans une coulée de petits cailloux, alors je fixe le sol et fonce tête baissée jusqu'en haut! Ce sera le col le plus haut que j'aurais fait sur le GR5.

Un vent impressionnant nous fouette le visage en-haut, la descente de l'autre côté est pas mieux que la montée... je suis crispée mais j'y vais pas à pas.

Il nous reste encore une bonne descente jusqu'au village de Maljasset, le mauvais temps menace de plus en plus alors on prend même pas le temps de picniquer, on se dépêche, une deuxième bonne descente, bien raide et vertigineuse, décidément c'est la journée...

J'ai un peu mal au genou mais sans plus, je prends en général un anti-inflammatoire tous les matins en partant et je me masse tous les soirs pour tenir le coup!


Total parcouru:

1035m+ / 874m-/ 6h30 / 15km

Jour 11

Ce matin nous étions sensé avoir un taxi pour nous amener au village suivant, mais il ne viendra pas. Heureusement pour nous, nous avons fait la connaissances de deux belges hier soir, qui ont une voiture et qui sont d'accord de nous déposer!

Arrivés à Fouillouse, départ pour le col du Vallonet, je me sens légère et en pleine forme, mon sac et mes bâtons font désormais partie de moi!

On passe le col et on s'octroie une belle et longue pause de pleine conscience. Qu'est ce que ça fait du bien, il fait beau et chaud, on est comme seul au monde, couché dans l'herbe. Les yeux fermés, on prend de grandes respirations, le soleil nous chauffe le visage, le bruit d'un petit ruisseau nous berce, les criquets nous stridulent, les oiseaux chantent. Je n'ai plus envie de repartir, je me sens tellement apaisée. Mais il faut continuer, on est loin d'être arrivé.

Départ pour le deuxième col, le col de Mallemort, qui nous fait passer par de magnifiques ruines, sur le chemin il y a des marmottes partout, de tous les côtés! Une hermine m'attend sur un caillou au col, un planeur passe et ça y est un faux mouvement et mon genou me fait horriblement mal... j'y croyais jusqu'à là et d'un seul coup tout est remis en question. Je veux y arriver, je veux aller jusqu'à la mer bon sang! Je ne veux pas m'arrêter à cause de ça, je pleure d'énervement, de fatigue et de douleur. Je m'arrête pour prendre une anti-inflammatoire et me mettre de la crème, ça ira pour aujourd'hui...


Total parcouru:

801m+ / 1035m- / 5h45 / 13km

Jour 12

Aujourd'hui c'est la dernière journée de marche avec Jojo et Philippe, ce soir c'est mon père qui me rejoint, je me réjouis de le voir!

Hier on est sorti du GR5 pour pouvoir rejoindre le village de Jausiers.

C'est la journée la moins intéressante du parcours, on est en forêt du début à la fin, c'est interminable et rébarbatif mais on y arrive.

Voilà le padre à l'horizon, il est maintenant l'heure de dire au revoir à mes deux compagnons de marche, après avoir raconté nos quelques exploits autour d'un petit café en terrasse. C'est la fin d'un bout de chemin et le début d'un autre.


Total parcouru:

11km / 5h

Jour 13

Première journée avec mon papa, c'est parti pour la "dernière ligne droite". Il nous reste douze jours de marche avant d'arriver à la mer.

Aujourd'hui on entre dans le Mercantour, le temps est un peu menaçant mais on passe entre les gouttes. On marche jusqu'au lac de Sagnes, pas trop le temps de traîner, il fait pas chaud et ça souffle fort!

Le paysage est magnifique, des vautours nous survolent et on retrouve le GR5 après avoir passé le col routier de Raspaillon. D'ici il n'y a pas de chemin pédestre, on est obligé de descendre par la route jusqu'au hameau de Bousiéyas, où l'on retrouve Claude le septuagénaire qui lâche rien malgré une grosse douleur à la cheville qui lui fait prendre un peu de retard sur son parcours.

C'est ici qu'on mangera le mieux de tout le trajet, un ancien chef cuisto au fourneau ça promet! Il nous sert une délicieuse soupe de carottes en entrée, de la pintade accompagnée de tagliatelles pour le plat et un dessert qui me fait encore saliver rien que d'y penser. C'est le "chaud-froid", un soufflé aux châtaignes (chaud) et une boule de glace chocolat par dessus, mmhhhh!!


Total parcouru:

1300m+ / 650m-/ 6h / 16 km

Jour 14

Au réveil pas un nuage et c'est désormais cette météo qui nous suivra jusqu'à la fin!

Direction St-Etienne-de-Tinée par le col de la Colombière et ça y est il y a de la lavande et d'autres plantes méditerranéennes en bord de chemin, ça sent bel et bien le sud.

Passé le col, on traverse le village de St-Dalmas-le-Selvage, où l'on s'accorde un petit café et bien sûr une part de tarte à la myrtille. Et c'est reparti pour le deuxième col de la journée, le col d'Anelle et voilà St-Etienne-de-Tinée en contrebas, plus qu'à descendre!

Aujourd'hui c'est journée plaisirs, ce soir on se fait un bon restau avec lasagne et tiramisu à la carte!

Total parcouru:

663m+ / 1385m- / 5h30 / 15 km


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Photos et texte par Sophie Turin
📷=Photos prises par quelqu'un d'autre
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